Tu vois tous ces carnets ?
Il y en a environ une cinquante et c'était ma vie. J'écris « c'était » car je viens de les détruire. Je te raconte pour-quoi...
J'ai commencé à tout noter vers 9 ans (1991) et j'ai continué jusqu'en août 2021.
Mes carnets... Ils exaltaient la vie. Dedans : des dialogues, des photos, des phantasmes, des tragédies, des angoisses, des souffrances, des joies, des rencontres... Ils puaient la VIE.
En primaire, j'écris : « Les autre ne me comprennent pas, ne me voient pas. J'espère qu'un jour, après ma mort, quelqu'un sache qui j'ai été. » (Ouais, chelou, hein, d'écrire ça, en primaire.)
Clairement, mon besoin d'écrire reflétait un besoin de reconnaissance puis, un besoin de mémoire, de laisser un trace dans cette vie, dans ce monde. Je me voyais vieille et sénile, occupant mes journées à relire mes carnets et rester dans mes souvenirs. C'est peut-être cette image qui m'a boostée à vivre des expériences, à chuter, me relever, tester, essayer, avancer et évoluer... Avoir des choses à écrire pour, par la suite, avoir des choses à lire.
Puis en décembre 2021, une amie chère à mon cœur, a perdu sa sœur. Un cancer foudroyant. Elle avait mon âge, moins de 40 ans. J'ai partagé sa tristesse et lorsqu'elle m'a dit : « On a retrouvé des mots de C. sur son ordinateur. Cela a été dur de les lire, elle parle de nous, de sa solitude et de ses peines. », je me suis entendue dire à haute voix : « Je ne veux pas faire du mal aux vivants. Je veux partir en paix, sans être liée à eux par la culpabilité. »
J'ai pleuré. Mon corps avait enfin intégré des notions connus depuis des années par mon mental. Je ressens enfin ce que peut-être l'abandon, le lâcher prise... Car oui, rien n'a d'importance.
Nous ne sommes que de passage. Rien n'a d'importance.
En 2005, j'écrivais dans un de mes carnets : « je ne veux pas que l'on pleure ma vie, je veux que l'on fête ma mort. » comme si déjà à l'époque, je savais que la mort n'était qu'un pas-sage, rien de plus, rien de moins. D'ailleurs j'ai depuis toujours, un lien étroit avec l'autre monde. Cela revient souvent : « je vois et entends l'invisible. »
Je me suis interrogée sur le bien fondé de garder ces carnets. Vont-ils réellement apporter quelques choses aux vivants ? Qui suis-je, pour vouloir laisser une trace dans cette vie, puisque rien n'a d'importance ? Pourquoi attendre de fertiliser les fleurs pour m'ouvrir à l'autre, pour être connue par l'autre ? Vu l'impermanence de la vie, vais-je vraiment pouvoir relire, tranquillement, au chaud, mes carnets ?
En parallèle, je ressentais le besoin de devenir pleinement moi, dans toute ma puissance intérieure. Cela voulait dire me séparer de ce que je n'étais plus et je n'étais plus « elle ». Je n'étais plus ces masques, maintes fois portés et décriés. Je n'étais plus ces blessures d'humiliation et de rejet. Je n'étais plus cette séductrice qui tentait de se faire aimer. Je n'étais plus celle qui se prêtait. Je n'étais plus celle qui se cachait. Je n'étais plus celle qui vivait de/dans ses peurs.
Fin décembre, j'ai choisi de détruire et de me séparer de mes récits. Les offrir à la terre pour transcender ces mots, ces douleurs, ces peines, ces blessures et partager ces joies.
Enfin libre d'être, dans le ici et maintenant.
769. « Ne traîne pas ton passé constamment avec toi s'il t'alourdit et t'empêche d'approcher quand tu viens à Moi, mais jette-toi spontanément comme tu es dans Mes bras pour y goûter la joie. »
(Gabrielle Bossis)
Je les ai relus, tous, un par un, avec attention. J'ai remercié qui j'étais alors, cet être blessé et terriblement lucide. J'ai compris ma différence et constaté mon évolution.
J'ai passé 35 ans de ma vie à m'adapter, à porter des masques et souffrir de n'être pas reconnue en tant qu'individu. J'ai passé 35 ans de ma vie à marcher dans les pompes des autres, à me prêter et faire semblant.
J'en avais oublié qui j'étais vraiment : un être double, ici et beaucoup là-bas.
Maintenant, je marche dans mes pompes et préfère me donner plutôt que me prêter.
Maintenant je me sens entière, pleine de moi, alignée, puissante et LIBRE.
Maintenant, j'apprends à accepter mon corps comme un réceptacle du monde. J'apprends à écouter ses messages plutôt que de vouloir être à côté (pour éviter les douleurs et les désagréments successifs).
Maintenant, j'accepte pleinement mes capacités et les offre dans ce monde incarné.
Les gens ne se souviendront pas de ce que tu as fait ou de qui tu as été. Ils se souviendront de ce qu'ils ont ressenti en ta présence, alors rayonne et SOIS.
Florilège de jolis mots (pour moi !) écris dans mes carnets.
Merci à ma belette, à C. (j'espère que tu t'éclates de là où tu es), à la petite et grande Edith pour sa force, sa lucidité, ses curiosités et ses goûts de vie.
Merci de m'avoir lue.
Une âme à poil,
Edith
A tout bientôt ici et là,
Edith Pradalié, Fondatrice d'AmshaCoaching
www.amshacoaching.com
Bravo Edith 😍